La ligne Montauban-Lexos
Un peu d'histoire
Ces pages n'auraient pu être rédigées
sans le remarquable ouvrage de Claud Harmelle "Les piqués de l'aigle"
auquel je me suis constamment référé : qu'il en soit ici
remercié. Voir Bibliographie)
La ligne Montauban-Lexos est fermée depuis bientôt
cinquante ans et pourtant elle n'a jamais été vouée aux
ronces comme tant d'autres lignes : elle est encore bien présente par
son tracé qui accueille une route départementale à vocation
touristique depuis sa fermeture, tous ses ouvrages d'art, ses maisonnettes de
PN et ses gares (à l'exception de Montricoux) sont en bon état).
Du temps de son exploitation, elle est aussi hors normes : une ligne construite
très tôt (entre 1853 et 1858) sur des seuls capitaux privés,
une ligne ouverte sans inauguration , une ligne toujours exploitée en
voie unique alors qu'elle a été prévue à double
voie, enfin une ligne qui devait faire partie d'un grand ensemble très
ambitieux le Grand Central. Le but initial de cette ligne est d'évacuer
la production minière du bassin d'Aubin près de Decazeville. La
ligne est construite dans la vallée de l'Aveyron parce que c'est le seul
trajet pour joindre le Lot à Montauban ; la desserte locale n'intéresse
visiblement pas les promoteurs de la ligne.
La construction de la ligne se fera assez rapidement et d'une
manière assez "sauvage" : de nombreux conflits avec les riverains
devront être tranchés; coupures de chemins, occupation illicite
de terrains, etc... En 1854, le matériel roulant est commandé
: 19 voitures de 1ère classe, 36 de seconde classe et 76 de 3ème
classe ; 19 fourgons à bagages, 4 wagons-écuries, 225 wagons couverts,
225 wagons plats, 200 wagons de houille et minerais et 28 locomotives avec leur
tender. La ligne est presque achevée quand elle est reprise par le PO
en 1857.
Rapport d'un cadre de la Compagnie d'Orléans au CA en
1857 : "Les travaux de cette section ont été conduits
d'une manière remarquable. Le tracé par la vallée de l'Aveyron
a entraîné de grandes dépenses dont on aurait pu éviter
une partie en adoptant une autre direction. Il y a 21 ponts sur l'Aveyron et
26 tunnels. Il est juste pourtant de dire que les pentes de la vallée
sont très douces et permettront une exploitation moins coûteuse...
Il y aurait aussi sur le parcours plusieurs stations à supprimer (!!!)..."
La construction de la ligne sera l'occasion d'un boom économique
(848 ouvriers employés dans la région de St Antonin en 1855) pour
la région. Des ouvriers des environs mais pas seulement, travaillent
sur le chantier : les accidents du travail sont nombreux, comme souvent à
cette époque.
Le 30 août 1858, la ligne est ouverte au service commercial
sur une distance de 167 km entre St Cristhophe (Entre Aubin et Rodez) et Montauban.
A Saint Antonin, c'est jour de foire : "Nous avons eu hier une foire
fort belle... le chemin de fer de Montauaban à St Cristhophe, ouvert
depuis le matin seulement, nous avait amené de tous les points de la
ligne, un grand nombre de cultivateurs et aussi beaucoup de curieux qui, pour
la première fois, se sont donnés le plaisir de monter en wagons..."(Courrier
du Tarn et Garonne su 2/9/1858)
Fin Août 1858, un habitant de St Antonin qui veut se rendre
à Paris mettra 46h30 en passant par Montauban, Bordeaux mais 25h s'il
voyage en 1ère classe. L'aller simple coûte 53 francs en 3ème
classe (traitement mensuel d'un instituteur de St Antonin), 70 francs en seconde
et 97 euros en 1ère classe. Mais simplement pour aller à Montauban,
il fallait 2h ! L'aller et retour pour Montauban (de St Antonin) revient à
12 francs en première, 9 francs en seconde et 6 francs en troisième
: deux à trois journées de salaire d'un manoeuvre. On comprend
que les gens de la région ne prendront pas le train tous les jours. Comparativement,
les cheminots paraitront privilégiés : voir le tableau ci-dessous
extrait des "Piqués de l'aigle"
Toujours extrait du même livre, le récit d'un jeune
homme de St Antonin qui part à Decazeville en 1905 pour chercher du travail
:
"Il fit un ballot de ses vêtements de travail,
il en avait peu, mit son costume; à la gare, il prit un billet de chemin
de fer pour Decazeville, cinq francs en troisième classe; c'était
ma première fois qu'il montait en chemin de fer; Il demandait à
tous les voyageurs :
- Où il faut changer de train pour aller à Decazeville
?
Un voyageur de commerce, sans doute, lui donna tous les renseignements
:
- Tu descendras à Lexos, là tu attendras le
train de Toulouse qui se dirige vers Capdenac, puis de Capdenac, tu prendras
le train qui va à Rodez, puis tu descendras à Viviez où
tu auras un train pour Decazeville.
C'était compliqué pour lui. Arrvivant à
Lexos, il demanda de nouveau, mais à un employé des chemins de
fer :
- Pour aller à Decazeville ? s'il vous plaît
.
- Le train de Toulouse, le premier qui va venir, vous descendrez
à Capdenac, là vous demanderez.
Alors il avait compris. Que le voyage fut long ! Parti le
matin à huit heures, à dix-neuf heures il arrivait à Capdenac,
le train de Rodez partait tout de suite, il arriva à Viviez à
sept heures un quart, à Decazeville à vingt heures. "
En 1905, plus de train direct pour Decazeville (il fallait cinq
heures en 1858 au lieu de douze en 1905) le Grand Central est bien loin ; Montauabn-Lexos
n'est plus qu'un tronçon de ligne "voué aux trains omnibus
et aux correspondances mal commodes".