Les automotrices à essence : la construction.
Retour
Cette photo aurait été prise à la sortie des usines de la société Horme et Buire.
En 1923, il s'avère, alors que la
ligne 4 Castelsarrasin-Lavit n'est pas encore pour demain, que la ligne
de Verdun n'est pas terminée, que l'exploitation de tous les
trains en traction vapeur revient trop cher. La compagnie décide
d'acquérir des automotrices à essence Horme et Buire .
Lire ICI le
contrat établi entre le Département du Tarn et Garonne et la
société Horm et Buire de Lyon. Ce contrat , qui sera signé en septembre
1923, nous apprend beaucoup sur ces automotrices dont j'essaie de
résumer dans les caractéristiques dans ce tableau.
CARACTERISTIQUES |
Dimensions et gabarit | Hauteur 3,30 m Largeur 2,20 m Cote d'attelage moyenne 0,72 m Ecartemnt des roues 1 m Ecartement des essieux 3m |
|
Dimensions de la caisse | Longueur du châssis (hors tampons) 8,20 m Longueur de la caisse 8,05 m Une cabine de conduite de 1,88 m de longueur Un compartiment à bagages de 1,50 m Un compartiment à voyageurs de 2,70 m Une plateforme arrière de 1,80 m |
|
Poids total | 8 200 kg |
|
Performances | Avec
25 voyageurs et 800kg de bagages, l'automotrice démarre aisément en
rampe de 35mm/m et atteint 20km/h en 40s ; elle doit pouvoir affronter
les rampes de 48mm/m sur Montauban-Molières et de 41mm/m sur
Caussade-Caylus. |
|
Moteur | Moteur "Ballot" à 4 cylindres de 106mm d'alésage et 150 mm de course.Vitesse 1 200 tours/min (42CV) Refroidissement par eau |
|
Embrayage Boîte de vitesses | Disques ondulés type Hele Schaw Inverseur et boîte à quatre vitesses |
|
Réservoir d'essence | 40 l |
|
Poste de conduite | Conduite
debout ; à main droite levier de débrayage ; à main gauche levier de
changement de vitesse ; au pied accélérateur avec levier pour réglage
fin ; frein moteur commandé au pied. |
|
Châssis Suspension Freinage Sablières | Profilés d'acier assemblés par rivet Ressorts à lames et blocs amortisseurs en caoutchouc 8 sabots équilibrés sur les bandages commandés par vis et volant. 4 sablières commandées mécaniquement montées en avant des roues |
|
Caisse | La
charpente sera en chêne et pitchpin, le toit en frêne courbé et frise
de sapin recouvert de toile enduite. Panneautage intérieur en frise de
pitchpin et de sapin. panneautage extérieur en tôle. Le compartiment à
bagages sera fermé par deux portes coulissantes de 1 m. |
|
Compartiment voyageurs | Il
comportera 6 places sur une banquette longitudinale, et 8 places sur
quatre banquettes transversales disposées dos à dos, banquettes en
lames de pitchpin et frêne alternées vernies ; les châssis vitrés
seront mobiles et munis de stores à rouleaux ; des portes bagages
seront disposés au-dessus des banquettes. |
|
Plateforme arrière | Elle pourra contenir 12 à 15 voyageurs debout, accès par deux portes coulissantes vitrées. |
|
Signaux sonores | Le
receveur et le conducteur communiqueront par un timbre placé dans la
cabine et actionné par une courroie en cuir aboutissant à la plateforme
arrière ; le conducteur aura à sa disposition une cloche placée sur la
toiture et manoeuvrable par une chaînette, un sifflet sous le
châssis actionné par les gaz d'échappement. |
|
Eclairage | Sera
normalement fourni par une batterie alimenté par une dynamo de 120 W ;
un phare placé sur l'avant du pavillon, des lampes dans les cabines et
plateforme et un feu rouge à l'arrière. Pour l'éclairage de secours, un
porte-lanterne sera apposé à l'avant et à l'arrière. |
|
Chauffage | Des chaufferettes placées sous les pieds des voyageurs seront alimentées par l'eau de refroissement du moteur. |
|
Peinture | Deux couches de minium et deux couches de peinture vert foncé au vernis |
|
Prix | 66 000 francs de 1923 (ce qui correspond à environ 63 000 euros) |
|
Entre
septembre 1923 et le printemps 1924, vont s'ensuivre un grand nombres
de correspondances entre d'un côté la compagnie TTG et le
représentant du département l'ingénieur Baron des Ponts et Chaussées du Tarn
et Garonne et de l'autre côté, la société Horme et Buire de Lyon,
constructrice, et l'ingénieur Coudert des Ponts et Chaussées du Rhône qui
représente sur place les intérêts des Tarn et Garonnais.
Premier échange de correspondance dès
la fin septembre, sur les portes coulissantes et l'embrayage ; la
société demande des précisions sur l'aménagement postal.
Remarquer, dans ce texte d'Horme et Buire ci-dessus,
la référence aux automotrices semblables qui seront livrées au Lot et
Garonne.
Le 24
octobre apparait un nouveau personnage M.Coudert ingénieur des P et C
du Rhône qui vérifie l'avancée de la construction des automotrices,
pour le moment, ici les études : il fait quelques remarques très pertinentes, notammment sur la marche arrière :
en effet, il est prévu un inverseur de marche et une boite de vitesses
séparés, ce qui permettrait au conducteur de rouler très vite en marche
arrière avec une visibilité dégradée, ce qui serait préjudiciable à la sécurité.
|
|
Voici le retranscription de ce courrier très intéressant :
"Au
reçu de votre lettre du 19 je me suis mis en rapport avec la société
"Horme et Buire" . J'ai reçu ce matin l'autorisation de pénétrer
librement dans les chantiers du Boulevard de la Part Dieu, et, ce soir,
j'ai pris contact avec les différents services intéressés.
1) Service de M.Dumas chef de fabrication du matériel chemin de fer.
Les études de détail de la caisse et du train sont très avancées.
Sont approvisionnés : les profilés principaux (longerons, traverses,
longrines), tout le matériel nécessaire au chauffage, les sablières;
pour le bois, tout le gros débit est en chambre de séchage. Ce qui
manque est commandé ou va l'être.
Les études sont ralenties pour deux raisons.
a) aménagement Postal.
cette question pouvant intéresser la position de la paroi de séparation
entre le poste de conduite et le fourgon, l'ajournement de la décision
retarde le débit des bois; le chef du Bureau d'étude m'a prié d'attirer
votre attention sur ce point. Une étude a été faite : un placard serait
établi dans le poste de conduite et s'ouvrirait dans le fourgon où
seraient placés les strapontins et tablette de tri. Ce dispositif, ne
m'a pas paru répondre aux conditions fixées par l'article 56 du cahier
des charges type, qui indique notamment, que l'espace réservé à la
Poste doit être fermé, éclairé et chauffé.
b) Porte lanterne.
l'article 11 du marché, prévoit dans son dernier alinéa, que la voiture
sera munie d'un porte lanterne à l'avant et à l'arrière pour parer à un
arrêt de l'éclairege électrique. Le Bureau d'étude désirerait
connaître, soit le modèle de lanterne en usage sur le réseau, soit le
modèle de porte lanterne qu'il convient d'adapter.
Une réponse à ces deux questions m'a été demandée.
Dans l'étude du chassis
vitré avant dun poste de conduite, il n'est pas prévu de rideau; je me
permets de signaler cette lacune, un rideau me paraissant indispensable
quand le mécanicien roulera face au soleil.
2) Service de Mr Caradot (partie mécanique)
Les études sont poussées activement.
Il n'y a pas d'approvisionement, la construction se faisant en dehors.
Mr Caradot sur ma demande
m'a montré les études de détail de l'embrayage et de la boîte à
vitesses, qui sont , à mon avis, les deux organes à surveiller le plus
attentivement. D'une première étude, surtout aussi rapide et
incomplète, il n'est guère possible de tirer des conclusions, cependant
on peut à priori, présenter les critiques suivantes :
a) Inverseur de marche : La boite
à vitesses ne comprend pas de marche arrière. La marche arrière est
réalisée par un inverseur de marche, donnant la marche directe par
transmission à chaîne et la marche arrière par engrenages. C'est au
point de vue mécanique une complication. En général, une boite à
vitesses permet la réalisation de la marche arrière, par le pignon de
1ère vitesse et un pignon monté fou sur son axe qui inverse le
mouvement. Ici la place manquant dans la boite, on a réalisé ailleurs
le dispositif, mais , ce faisant, on a introduit dans l'entrainement
direct un nouvel organe, la transmission à chaîne. Le constructeur
étant responsable de la tenue de son mécanisme n'a certainement adopté
cette réalisation qu'à la suite d'une étude approfondie, je
n'insisterai pas sur ce point. mais au point de vue exploitation, il me
parait dangereux de laisser entre les mains du mécanicien une marche
arrière comportant la même gamme de vitesse que la marche avant. les
manoeuvres en marche arrière, eu égard à l'emplacement du poste de
conduite, se feront dans des conditions précaires de visibilité ;
n'est-il pas à prévoir que la facilité de la marche arrière, pourra
amener avec l'habitude, des pratiques dangereuses pour la
sécurité ? Je me permets de suggérer l'idée suivante : étude d'un
dispositif de verrouillage automatique, ne permettant en marche arrière
que l'utilisation de la première ou de la première ou deuxième vitesses.
Ce verrouillage pourrait être plombé et les instructions pourront
n'autoriser le déplombage que dans certains cas déterminés.
b) Couronne dentée calée sur l'essieu moteur.
La couronne dentée est clavetée sur l'essieu, à cet effet l'essieu
porte un logement de clavette taillé dans la masse. cette entaille des
fibres de périphérie de l'essieu me parait peu rationnelle. Sur la
ligne à traction électrique Lyon- St Just - Vaugneray et Mornant des
ruptures d'essieu moteur se sont produites et la cassure partant du
logement de clavette. Aussi la Cie OTL étudie-t-elle le remplacement de
ce dispositif par un porte engrenage solidaire de la roue. Cette
solution ne parait pas applicable ici, mais peut-être pourrait-on
rechercher un autre mode de fixation laissant l'essieu intact.
Je serai heureux Mr
l'Ingénieur en Chef de recevoir verbalement lors de votre prochaine
visite à Lyon, vos directives, qui me permettront de remplir ma mission
avivant vos désirs. Je me suis permis dans ce premier compte-rendu de
vous fair part de mes obsevations personnelles; si cette façon de faire
vous paraissait inopportune, sur l'indication que vous voudriez bien
m'en donner, je rédigerai mes compte-rendus dans le sens qui vous
conviendrait.
Signé : Coudert "
Le 26 octobre, un courrier du Directeur des TTG
M.Dupuis à l'ingénieur Baron des P et C du Tarn et Garonne : comme le courrier est assez difficile à lire, je vous retranscris les passages les plus intéressants :
"Comme
suite à nos divers entretiens, j'ai examiné la modification qu'il y
aurait lieu de faire subir aux plaques tournantes pour assurer le
retournement des automotrices. La note ci-jointe résume les diverses
solutions qui pourraient être envisagées; le rail touirnant de nos
plaques est de 2.80m de longueur alors que la distance d'axe à axe des
essieux de l'automotrice est de 3 m: en comptant 0,20 m de marge de
chaque côté, nous obtenons 3,40 m, longueur minimumque devrait avoir le
rail tournant après la modification..."
Les ponts
tournants qui ont été fabriqués par les établissments Chappée Au Mans
(célèbres cuisinières) doivent être adaptés. La solution parait vite
trouvée, il suffit d'allonger une des deux voies de la plaque, mais il
va y avoir un porte à faux , d'où les calculs savants des ingénieurs sur
la résistance nécessaire des rails. Début novembre l'ingénieur des P et
C du Tarn et Garonne rend son rapport.. Rien n'est encore décidé.
Début décembre l'ingénieur envoie un courrier ,
fruit des réflexions sur les TTG, sur la modification des plaques
tournantes. Sept plaques tournantes sont à modifier ; un système de
retournement sur vérin sous les automotrices a été envisagé mais vite
abandonné car le châssis n'étant pas prévu pour cette manoeuvre (les
Autorails Billard et De Dion utiliseront cette technique). La société
Horme et Buire envoie un plan de modification des plaques tournantes ;
Je retranscris ce courrier de M. Coudert.
1)
Partie Motrice : Les études se poursuivent et sont à peu près
terminées. La boite à vitesses est commandée et promise pour fin
janvier.
2) Caisse : Tous les dessus de la
caisse sont terminés. la question de l'aménagement postal retarde
le débitage des bois. les approvisionnelents depuis le 24 octobre sont
en fabrication ou commandés : tous les profilés ou les tôles de cabine
et plateforme, les ferrures et les translateurs des portes. Reste à
commander tout ce qui concerne l'éclairage électrique qui sera
pris à Lyon et ne demandera qu'un court délai de livraison.
3) Chassis : Les études sont terminées. Sont
approvisionnés les profilés et tôles et tout le tamponnement. Le
train est commandé, un délai de trois mois est prévu pour la
livraison. L'étude de détail de la plateforme arrière est presque
terminée. Pour la cabine, encore rien de fait.
4) Freinage : voir la lettre suivante
La réponse de son homologue Tarn et Garonnais Baron est accomodante.
Le lendemain, confirmation de M.Dupuis directeur des TTG qui est d'accord avec M.Baron.
Confirmation est donc envoyée le 15 novembre de M.Baron à M.Coudert.
Le 29 décembre 1923, M.Baron ingénieur en chef des P et C du Tarn et Garonne s'inquiète,
auprès d'Horme et Buire, du retard pris par la construction de la
première automotrice (livrable le 15 janvier !) ; la fabrication va
prendre beaucoup de retard, comme en attestent les courriers de
M.Coudert de Lyon. Les automotrices seront livrées, vraisemblablement
courant mai 1924.
Légitime inquiétude de M.Baron quant au respect des délais de livraison, mais on devine la réponse d'Horme et Buire.
Il y a du y avoir une autre lettre de rappel (ou la précédente n'est pas partie de suite ?) ; le retard sera important.
Les automotrices ne sont pas encore fabriquées que M.Baron pense à y installer un gazogène !
Rapport de M.Coudert en février : toujours un travail sérieux (il insiste sur la qualité du rivetage).
Noter
le freinage moteur qui a été imaginé et breveté par M.Caradot
l'ingénieur d'Horme et Buire. M.Coudert est très satisfait de la
qualité des automotrices et pense qu'elles vont donner satisfaction. En
post scriptum, il balaie d'un revers de plume le gazogène Berliet.
Enfin
les automotrices sont terminées ! Elles ont été livrées dans
l'année 1924. Une sera livrée en gare de Montauban pour la ligne 1 le
30 juin ; la seconde en gare
de Caussade pour la ligne 5 le 4 septembre et la troisième en gare de
Valence d'Agen pour la ligne 6 le 14 novembre (cette dernière
sera transférée, en 1927, par un wagon de la Cie du Midi*, en
gare de
Castelsarrasin pour la ligne 4). Un rapport de le Conseil Général de
l'Ingénieur en chef Baron donne début 1925 des indications sur les
premiers fonctionnements des trois automotrices :
- la première sur la ligne 1 de Molières, un fort trafic de
marchandises a écarté l'automotrice du service au profit des trains
vapeur ; le faible kilomètrage parcouru n'est pas assez significatif
pour en tirer des conclusions.
- l'automotrice des Valence n'a pas réussi à respecter les horaires des
trains vapeur lors des essais ; les causes sont multiples selon
l'ingénieur : mauvaises conditions météorologiques, rail humide, et le
conducteur de l'automotricen un technicien du constructeur lyonnais ne
connaissait pas la ligne.
- il a été remarqué que les consommations d'essence ont été de 10 à 14%
plus élevées que prévu, mais pour les deux lignes où les services sont
les plus réguliers les prix de revient au kilomètre a été de deux à
deux fois et demi moins élévé que pour les trains vapeur. L'ingénieur à la vue de ces chiffres trouve celà encourageant.
Voici le tableau qui a été joint au rapport.
Tous les documents de ces pages sont issus d'une collection privée.
* je n'ai
malheureusement aucun document iconographique sur la livraison des
automotrices depuis Lyon ni sur les transferts éventuels entre les
lignes quand il faut les transporter.