Inondation de Moissac en 1930

Le mystère des trois photos.


Cette photo d'autocars sur la place de la gare de Castelsarrasin est sur la page dédiée à cette gare. Quand je l'y avais insérée, j'avais été intrigué, sans plus, par l'inscription sur les flancs : Lourdes-Les Pyrénées.


Ce printemps 2019, un collectionneur montalbanais, m'a envoyé ces deux photos prises à Gasseras, à l'entrée de Montauban, vraisemblablement en 1930. J'étais très heureux d'avoir deux photos du "fameux" triangle de Gasseras, lieu de bifurcation entre les deux lignes de tramway Montauban-Molières et Montauban-Verdun sur Garonne.  Ce qui m'a permis de concevoir cette page. J'avais compris à cette occasion, pourquoi lors de ma visite sur les lieux   j'avais trouvé si peu de restes de ce triangle : la route de Meauzac avant 1a seconde guerre s'embranchait à Gasseras derrière le cimetière, alors que depuis, la route débouche à la place des infrastructures du tramway, juste derrière le pont de chemin de fer de la ligne de Lexos, la rocade vers la route de Lafrançaise actuellement.

En examinant plus attentivement ces deux photos, je remarque que les autocars ressemblent à ceux de Castelsarrasin ; de plus les personnages sur les trois photos présentent de très grandes ressemblances (les accompagnateurs en manteau de cuir, les chauffeurs...) ce qui me conduit à penser que les trois photos ont été prises le même jour ou alors à des intervalles très rapprochés.



Un examen encore plus attentif (la qualité de la reproduction permettant d'agrandir sans grande perte de finesse) m'a permis de voir une trace d'humidité sur les murs de la gare, une maison écroulée vers Gasseras, des fossés pleins d'eau, des traces de limon sur la route. Ces indices renforcent l'hypothèse que ces deux clichés de Gasseras ont été pris après les terribles inondations des 3 et 4 mars 1930 ; en effet le Tarn, à cet endroit, n'est pas loin du tout : deux cent mètres.

En recherchant sur le net, on trouve très facilement des autocars du même type avec l'inscription "Lourdes- Les Pyrénées" ou alors comme celui-ci avec une inscription montrant les liens avec la Cie du Midi. En effet, cette compagnie a, pour développer son trafic, investi dans des hôtels de luxe (Font Romeu, Superbagnères) mais aussi des services d'autocars de tourisme dans les Pyrénées, surtout au départ de Lourdes.


Alors, ces gens qui posent, sans grand stress, debout dans le premier autocar, d'où viennent-ils ? Où vont-ils ? Et si ces gens étaient des "naufragés du rail " ? Si vous avez lu ces pages, vous avez appris que le pont Cacor à Moissac a été emporté par la crue ; de plus la voie ferrée a été coupée dans les quartiers bas de Montauban (Gasseras, Villebourbon), coupant ainsi la liaison Bordeaux-Toulouse. La Cie du Midi a donc fait venir ses autocars des Pyrénées (non employés à cette époque de l'année) pour transborder les voyageurs ?

Voilà l'hypothèse que j'avais formulée assez tôt, mais je n'avais rien trouvé qui ne puisse la rendre crédible ou non. Jusqu'à ces derniers jours, où  Johan B., un employé des  archives départementales  du Tarn et Garonne qui prépare avec ses collègues  une exposition sur  le département entre les deux guerres,  ne découvre ces deux photos  et les questions que je me posais sur le forum Ferrovissime. Il a trouvé la solution sur le site de la BNF, Gallica, en l'occurence une réplique de la Dépêche du 9 mars 1930. On y décrit dans ce numéro la visite du Président de la République de l'époque (Le président Gaston Doumergue) et des ministres du gouvernement aux sinistrés de la crue. Page 3, un tout petit article, un communiqué de la Cie du Midi expliquant comment sera assuré le service entre Moissac et Toulouse par transbordement dans des autocars de la STAM entre Moissac et Montbartier. (la STAM était une filiale de cette Cie du Midi, c'est d'ailleurs cette société qui va assurer le transport des voyageurs des Tramways du Tarn et Garonne à partir d'octobre 1930). Et l'explication viendra des deux dernières lignes de cet article.


"Le parc d'autocars de la route des Pyrénées a été dirigé sur la région." Avant de formuler mon hypothèse, j'avais posé la question à un érudit local de Castelsarrasin ; il avait répondu que les routes des Pyrénées vers Castelsarrasin n'avaient pas été coupées étant donné que la crue n'avait touché la Garonne qu'après le confluent avec le Tarn : donc ces autocars avaient pu être acheminés depuis Lourdes.

De quel jour datent ces trois photos ? D'après cat article, le service a repris le 8 mars ; je pense que ces trois clichés ont été pris ce jour-là, .... pour la petite histoire.

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